Le Studio: un retour au devant de la scène

par Manon Patouillet

Source : Paris Normandie

Nombreux, sans doute sont les étudiants du campus du Havre de Sciences Po, qui, au détour d’un scroll sur Instagram un soir de printemps 2024, sont tombés sur une pétition intitulée“Sauvegardons le Studio que nous aimons !”. Destinée à la sauvegarde du cinéma Le Studio au Havre, celle-ci a été initiée par un alumnus du campus, Elias Cantone.1 Partagée par la suite, par quelques-uns de nos camarades, la monosalle, qui traversait une période de crise à ce moment-là, était grandement soutenue par les « Mushus ». Alors que des rumeurs de tensions au sein de la gouvernance, menant à une possible fermeture du cinéma se propagent, l’été arrive et les « sciencespistes » fuient Le Havre pendant plusieurs mois. Au retour des vacances, la résolution quant à l’affaire concernant le Studio reste tout aussi floue. 

La monosalle, située au 3 rue du Général Sarrail, a vu le jour en 1999 sous l’impulsion du réalisateur Christian Zarifian. Composée d’une salle de 84 places, sa petite taille n’a pas empêché le créateur du Studio d’afficher de grandes ambitions. Zarifian souhaite que la monosalle devienne un “lieu de mémoire”2, au Havre, alliant classiques et films moins connus. Vingt cinq ans plus tard, l’objectif reste le même selon le programmateur David Lheureux, qui continue à “présenter le cinéma dans toute sa diversité”. Au fil des années, le Studio entretient également de nombreux partenariats avec d’autres organisations havraises, tels que les Ancres noires, ou Du grain à démoudre, et organise des événements pour enfants.3 

Cependant, selon les reportages de Paris Normandie, début 2023, une querelle éclate au sein de la direction du cinéma. Deux camps s’opposent, se revendiquant chacun comme le bureau légitime : d’un côté, les « anciens », composé de Patrick Gravé, président du Studio depuis 20 ans, André Fouché, le trésorier, ainsi que David Lheureux présenté précédemment ; de l’autre, la veuve et la fille du défunt créateur du Studio. Alors que la famille Zarifian organise une assemblée générale pour élire un nouveau bureau, le groupe présidé par Pierre Gravé porte plainte contre celle-ci. Cette plainte sera alors le début d’une longue bataille judiciaire, aboutissant aujourd’hui à la nomination d’une mandataire provisoire.4 

Ce conflit a semé le trouble au sein de l’équipe, déchirée par des perceptions et des ambitions différentes pour le cinéma. Pour David Lheureux, cet épisode a été rude, frustré que son travail qu’il exerce depuis 22 ans, soit remis en questions par des membres inactifs jusqu’alors.5 La situation a même mené jusqu’à mettre en péril certains partenariats précieux que le cinéma entretenait depuis longtemps. Alors que la banque bloque certains comptes, plusieurs salariés envisagent même de remettre leur démission.6 

Bien que le calme semble être revenu au 3 rue Général Sérail, la situation demeure incertaine. L’affaire est-elle complètement résolue ? Quelles sont les répercussions du conflit aujourd’hui ? Une série de questions nous viennent à l’esprit. Pourtant, interrogés sur ce sujet, David Lheureux et l’administratrice provisoire Cécile Dur ne souhaitent pas en parler. Il ne fait aucun doute que cette affaire marque une période difficile pour le cinéma, même s’il est encore trop tôt pour en tirer des conclusions. Ce havre de partage et de rencontre autour des films était devenu un terrain de querelles. Peut-être que des contraintes légales les empêchent d’aborder le sujet, ou bien cherchent-ils simplement à éviter que ce conflit, aux issues encore incertaines, ne vienne perturber la rentrée tant attendue du cinéma. 

En effet, David Lheureux ne cache pas son désir d’aller de l’avant, et se concentrer sur la réouverture et les projets à venir. Le Studio reprend une activité inchangée, avec son incontournable programmation mensuelle. En septembre, la monosalle a proposé une sélection de films variée à ses adhérents, que ce soit le classique du cinéma argentin Que la bête meure de Roman Vinoly Barretto, ou la Nouvelle Vague avec Les deux anglaises et le continent de François Truffaut. 

En parallèle, tout au long de l’année, le fil conducteur du Studio sera le cinéma asiatique contemporain. Comme tous les ans, le cinéma choisit un « cycle » de septembre à juin sur un thème défini, présenté depuis 2002 par Youri Deschamps, rédacteur en chef de la revue « Eclipses ». Au programme, des films tels que Tel père tel fils du réalisateur japonais Hirokazu Kore-eda, mais encore A touch of sin de Jia Zhang-ke, pourront ravir les spectateurs. 

L’objectif encore une fois est de faire découvrir au public havrais des cinéastes peu vus en France. Interrogé sur les raisons pour lesquelles il avait choisi ce thème, David Lheureux répond : « Je m’étais fait la réflexion (…) que dans le cinéma français actuel on est beaucoup dans le verbe, on est beaucoup dans la parole mais pas beaucoup dans l’image ». Au contraire, le cinéma asiatique contemporain est certes peu bavard, mais fort au visionnage. « Le but de ce cycle là est aussi de remettre en l’honneur le cinéma comme un art visuel ». Pour David Lheureux, ceci est « l’essence » même du cinéma. 

Ainsi, gâtés  par une programmation de telle qualité, les Havrais n’auront d’autres choix que de se rendre au Studio pour savourer ses films. Or, le cinéma d’art et d’essai a besoin de la fidélité de son public, qui doit privilégier l’expérience immersive en salle plutôt que le confort d’un film Netflix à domicile. Car une fois disparus, ces lieux de culture ne renaissent jamais. 

Les Enchaînés (1960)- Alfred Hitchcock

L’insoupçonnable vertu de la vulnérabilité

Synopsis

Afin d’aider à traduire les nazis en justice, l’agent du gouvernement américain T.R. Devlin (Cary Grant) recrute Alicia Huberman (Ingrid Bergman), la fille d’un criminel de guerre allemand condamné pour espionnage.

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