Assis le cul posé sur un banc trempé, tu regardes les ombres des derniers passants qui sillonnent la ville morte. Ton nez pris ne t’épargne pas l’odeur de pétrole amené du port par le vent et, au détour d’une averse qui éteint la clope que tes doigts ont difficilement guidé à tes lèvres gercées, tu commences à sérieusement questionner tes choix de vie et le sens de ton existence. Tu n’as ni cheminée pour dégeler tes mains qui tournent au bleu, ni amant pour réchauffer tes draps, et quand tes cheveux ne sont pas mouillés par la pluie c’est la grêle qui martèle ton corps tout entier.
Bref, t’es au Havre en décembre et il est encore l’automne que tu marmonnes : vivement le printemps.
Tu repenses avec nostalgie aux spritz en terrasse et aux soirées plage à te briser les os sur les cailloux des plages normandes. Et quand tu révises tes partiels en voyant la nuit qui tombe alors que tu viens à peine de te lever, tu te dis même que quitte à retourner danser sur du Wejdene ou te faire traquer par la police après 21h, tu reviendrais bien aux derniers étés.
Mais l’hiver c’est pas seulement les mains gercées et la buée sur les lunettes. C’est surtout le petit marché de Noël qui s’installe en face de l’humble demeure d’Edouard Philippe, les soirées film enlacés avec ton amoureux ou à défaut, avec ton plaid, et bien-sûr le come-back annuel de Mariah Carey. C’est les thés sirotés collé au radiateur et les vins chauds en bas des pistes de ski, les toits blancs et les sapins qui clignotent, le foie gras et les résolutions du nouvel an.
L’hiver, c’est plus de temps chez toi pour noircir ton journal intime et faire le ménage dans tes pensées, passer du temps calme avec les gens qui te sont chers et leur offrir des cadeaux, apprendre à cuisiner de nouveaux repas chauds et réaliser tes projets solitaires les plus fous. C’est même un bal de Noël à l’Eclipse et des pintes entre potes en jouant aux fléchettes sur fond de musique irlandaise au Black Café.
Alors oui, même si putain ce qu’il fait froid, pète-toi une The North Face, achète de la vitamine D et levons un verre à l’hiver. Emplissons nos esprits de souvenirs que l’on racontera à nos petits-enfants qui, peut-être, n’auront jamais la chance de voir la neige.